Google macrophage… billet d’humeur d’un entrepreneur agacé

J’ai hésité un peu avant de poster ça, mais je suis fatigué de beaucoup de choses dans ce pays, donc voici le fond de ma pensée.

A force de vouloir raisonner franco-français plutôt qu’à l’échelle européenne,
à force de manquer de cohésion, à force d’attitudes de francs tireurs,
à force de ne pas avoir de vision, ou juste quelques visions de suiveurs,
à force de ne pas avoir un small business act comme aux USA,
à force de ne pas avoir de réel fonds d’investissement dans les milieux de l’innovation,
à force de mettre du pognon dans des grandes écoles qui vont sortir des clones formatés,
à force de ne pas mettre de pognon dans les universités,
à force de…

Voici ce qui se passe : à part quelques exceptions, les petites boites françaises qui réussissent se font racheter, et les talents de ce pays se font recruter par des entreprises étrangères. Ce pays, et plus généralement l’europe, est à la dérive en ce qui concerne la technologie et l’innovation. Je pense qu’il est vraiment temps de faire un choix : soit accepter de se faire annexer culturellement, financièrement, technologiquement… – c’est un choix possible -, soit il faut réagir. Quel avenir préparons-nous à nos enfants ?

Petits exemples pris au hasard : le FSI, le fonds souverain récemment mis en place, met 3 M€ dans Daily Motion, mais rien dans Mandriva, rien dans Ulteo. OK ! Daily-motion, entreprise stratégique pour ce pays ? :-/ Dans mon entreprise actuelle, Ulteo, qui développe des solutions de virtualisation sur un marché en forte croissance, nous avons rencontré beaucoup de fonds d’investissement ces quatre dernières années. Qu’avons-nous entendu ? “Super techno, mais c’est trop tôt”, “vous n’êtes pas à l’équilibre, revenez plus tard”, “c’est trop ambitieux pour nous, allez voir en californie, il y a plein de fonds adaptés à votre projet là-bas”. Et nous avons été à deux doigts de signer avec des fonds… Anglais ! Seule exception : une poignée de business-angels passionés qui comprennent la techno, comprennent les enjeux et prennent des risques avec leur argent personnel. Et je n’oublie pas OSEO, notre bouée de sauvetage à beaucoup d’entrepreneurs.

Autre exemple calamiteux, un développeur kernel Linux de haut niveau qui était chez Mandriva et qui vient de se faire recruter par Google… Combien dans son cas ?

Et qu’est-ce que j’entends depuis 12 ans ? des hauts fonctionnaires inquiets parceque les ministres utilisent des blackberry qui sont joyeusements lus en toute légalité par nos amis anglo-saxons, des secrétaires d’état qui se montrent étonnés quand on leur apprend que les logiciels qu’ils utilisent dans leurs ministères sont propriétaires et potentiellement sensibles aux back-doors, des ministres qui ne sont pas contents parcequ’il n’y a plus d’entreprise à la pointe de l’informatique dans ce pays etc. Récemment, j’apprenais qu’un ministère sensible demande que le code des logiciels qu’il utilise soit audité, certifié etc. par mesure de sécurité. Quoi de plus normal ? Mais… exception faite des logiciels propriétaires dont les éditeurs ne fournissent pas le code !

Je pourrais en rajouter des tartines, à quoi bon ? avec un peu de chance si ça peut faire évoluer les consciences…

4 Replies to “Google macrophage… billet d’humeur d’un entrepreneur agacé”

  1. Hello!

    Pas faux ton billet, le problème est qu’aujourd’hui beaucoup d’innovation se font aux USA et leur entreprise font rêver les générations actuelles de salarié (génération Y).

    De plus en terme de marché potentiel le marché intérieur americain vs européen est vraiment différent: prenons l’exemple d’un site web lancé au USA en anglais il aura des dizaines de millions d’utilisateur potentiel. Le même en France en Français aura une cible plus réduite, pour l’élargir il faudra le traduire en anglais, allemand, espagnol,…

    Âpres le fait de se faire racheter par des sociétés americaine/asiatique est tout de même un bon signe pour l’europe: cela veut dire que l’entreprise est innovante et souvent l’apport de fond peut lui permettre de se développer!

    Bon courage dans ton entreprise,

    François

  2. Il y a beaucoup, énormément même, d’innovation en Europe également.

    Le problème des entreprises qui font rêver, là on touche quelque chose du doigt. Mais pour ça il faut créer des cercles vertueux ! Pour 1 entreprise qui fait rêver aux USA, combien de miliers se sont créées et n’ont pas marché, ou on dû se recentrer sur autre chose etc.

    C’est bien là la différence, ici, c’est extrêmement difficile de trouver des fonds, là bas, les boites sont surfinancées, et forcément au bout du compte ça paye, malgré le gachis de départ, parceque tout leur système en profite (et le notre en pâtit).

    Petit exemple récent qui pourrait faire sourire s’il n’était pas tragique : j’ai remarqué en 2007/2008, une petite boite américaine qui était exactement sur le même créneau qu’Ulteo. Nos produits ne reposaient pas tout à fait sur les mêmes technos, mais l’objectif était le même. Résultat : fin 2007 de mémoire, nous avions quelque chose d’équivalent, et eux fanfaronnaient parcequ’ils avaient 20 000 comptes utilisateurs gratuits de créés, et nous en avions 80 000 actifs.

    Petite différence : pour ça ils ont levé et cramé 30 millions de USD, alors qu’Ulteo avait trouvé dans le même temps 600K €, et dépensé la moitié… Ratio : x100 sur la même période.

    Ce n’est pas un exemple parfait parceque la boite américaine en question a fermé, mais ça illustre parfaitement deux écosystèmes radicalemenet différents.

    Quant au marché intérieur, c’est une hypothèse tentente, mais je n’y crois pas trop par expérience : Mandrake par exemple a marché à l’origine dans le monde anglo-saxon, et c’est revenu en france par effet boomerang… (esprit de m**** quand tu nous tiens). Maintenant grâce à Internet on peut adresser un marché mondial d’emblée.

    Gaël

  3. Bonjour,

    J’espère que vos propos, très justes, trouveront un écho. Pourquoi ne fourniriez vous pas un argumentaire à des parlementaires. L’un d’eux pourrait en faire une question orale au gouvernement dont il serait bon qu’il soit plus souvent interpellé sur ces questions.
    Quant aux Blackberry c’est hélas vrai: les règles de sécurité et plus généralement les pratiques de gestion de l’information, obsolètes en cours dans les administrations obligent à bricoler pour pouvoir travailler, souvent au détriment de la sécurité et du bon sens les plus élémentaires.

  4. Entièrement d’accord sur le diagnostic.
    Sauf que je vois pas de remède.

    Trop de metastases dans notre administration, nos écoles, ministères, etc.

    Et puis quoi ! Ya pu d’argent, mon bon monsieur !
    Napoleon aurait répondu “c’est donc le bon moment pour investir”, mais Napoleon est mort, et personne n’a coiffé son bicorne.

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