Ma page politique France-Europe

Vu qu'on me demande régulièrement, voici quelques convictions personnelles en vrac à propos de politique, de la France, de l'Europe et du Monde...

Comme certains le savent, je suis depuis longtemps un féroce partisan de la construction européenne. Quand j'étais au lycée, j'éditais un petit fanzine, vendu par abonnement, qui s'appellait "Europe Journal", bilingue (Français/Anglais). Alors autant vous dire que mon expérience à Mandrakesoft n'a pu que me conforter dans cette idée que la construction européenne, loin d'être une lubie, est un processus nécessaire voire vital pour notre avenir à tous.

Autant exposer mon jeu très clairement : je suis français (et européen), j'ai été élevé dans la tradition laïque et républicaine française et ceci m'a évidemment inculqué une certaine idée de mon pays, nation à laquelle je suis heureux d'appartenir, qui a eu un passé glorieux et a su exporter des valeurs humanistes par son rayonnement international. La France est aussi un pays qui a, avec d'autres pays, dont beaucoup sont d'ailleurs européens, cru au progrès, social, technique etc. Ces valeurs (même si je me méfie de ce mot qui peut rapidement véhiculer du conservatisme), ainsi que la capacité à s'ouvrir et à s'enrichir aux autres cultures, sont clairement les valeurs actuelles de ce qu'on appelle le monde occidental et je pense ne pas être le seul à y croire. Par ailleurs, il est une évidence que la France - et l'Europe - ont subi pendant de nombreux siècles, les affres de la guerre et du déchirement. La dernière n'est pas si loin, nos grand-parents l'ont vécue.

Maintenant, sans sombrer dans le catastrophisme, et en reconnaissant les nombreux restes d'excellence de notre bon pays, ne nous cachons pas les yeux : la France est dorénavant un pays relativement petit, qui pèse moins qu'avant et qui va peser de moins en moins. Les raisons en sont multiples et incluent sans aucun doute une raison démographique : 60 millions d'habitants, c'est 25% de la population américaine, 6% de la population actuelle de l'Inde, 5% de la population de la Chine.

Comment imaginer un seul instant que l'avenir puisse appartenir à un pays de 60 millions d'habitants, aussi brillant soit-il ? Il y a certainement moins d'intelligence dans 100 cerveaux mal formés et désorganisés que dans 10 bien formés et organisés. Mais il y aura sans aucun doute à terme beaucoup moins d'intelligence, de création etc. dans 60 millions de têtes, seraient-elles même toutes brillantes, que dans 1,3 milliards de cerveaux bosseurs et bien formés, ce qui ne tardera pas à arriver relativement rapidement dans la plupart des pays émergeants.

0n constate également que la plupart des autres pays européens sont dans le même cas que nous. Des nations aussi brillantes et rayonnantes que l'Allemagne, l'Angleterre et l'Italie vont tout droit à des problèmes identiques que les nôtres.

Alors que se passera t-il si nous restons isolés, si nous continuons à vouloir penser que le "génie" national est notre assurance pour l'avenir ? Il y a de grandes chances que nos pays puissent continuer à relativement bien vivre quelques dizaines d'années, car ce sont des économies puissantes et organisées. Mais à l'horizon de 50 ou 100 ans, d'énormes boulversements sont à prévoir... Les Etats-Unis sont actuellement la première puissance mondiale et l'on voit les problèmes que celà engendre déjà : comment se laisser dicter la conduite par un pays, si puissant qu'il soit ?

C'est le cri de l'âme, de l'ego, de la fierté, mais laissons-les de coté et raisonnons simplement : voulons-nous adhérer à des modèles qu'on nous propose/nous impose ? ou voulons-nous continuer à exister selon notre identité et nos aspirations, en créant, en prenant ici et ailleurs le meilleur de la création humaine pour le forger dans le creuset d'un idéal humaniste, qui respecte l'homme, qui respecte la nature ? Les idéaux européens ne sont pas forcéments ceux que l'on retrouve partout dans le monde. Les deux choix sont possibles, l'avenir est ouvert...

Personnellement, je suis pour l'action et le progrès, et j'aimerais laisser un environnement social, économique et terrestre dans lequel mes enfants puissent s'épanouir. Donc seule la deuxième option m'intéresse, et c'est pour celà que je pense que la construction européenne est absolulment indispensable, une construction basée sur des aspirations communes de progrès pour l'homme et pour la planète.

J'ai lu souvent que les peuples européens n'avaient que des très peu d'identité commune. Pourtant je suis persuadé du contraire. Notre identité c'est l'héritage commun de la Grèce antique avec la naissance de la philosophie, de l'Italie et de la France de la renaissance avec la percée des arts et des idées humanistes, de l'Angleterre, de l'Allemagne et de tous les autres pays dans la formidable explosion de la science et de la médecine, du commerce... Ces évolutions ont également eu lieu, à des degrés divers dans d'autres pays du monde comme au Moyen-Orient ou en Chine, mais il me semble que le monde occidental actuel est tout de même extrêmement hérité de cette incroyable énergie créatrice qui berce toute l'Europe depuis des siècles. Je persiste donc à croire que les différences de culture entre les peuples européens sont à l'échelle des différences de culture qui existent entre un Marseillais, un Parisien, un Brestois et un Strasbourgeois. Etant moi-même du nord-ouest de la France, j'ai pu souvent mesurer être plus facilement sur la même longueur d'onde avec un breton, un belge, un anglais ou allemand qu'avec... un niçois ou un auvergnat !

Il est donc nécessaire et indispensable que l'Europe se fasse pour pouvoir peser un minimum dans le monde de demain et ainsi assurer un avenir décent à nos enfants. Sans doute nous ne dicterons à personne la façon dont elles doivent penser et ce qu'elles doivent faire, nous ne l'avons que trop fait dans le passé, on s'aperçoit maintenant de l'effet que ça fait avec la première puissance mondiale actuelle qui veut maintenant imposer son modèle économico-religieux au monde (à terme) et à l'Europe (depuis un certain temps). Un bémol à ceci : il est évident que la voix de l'Europe devrait et devra se faire entendre et convaincre au moins dans deux domaines : les droits de l'homme et l'écologie. Dans le deuxième cas, c'est du simple bon sens car il s'agit de ressources communes. Dans le premier cas, c'est un idéal, mais c'est évidemment plus compliqué à assumer.

L'Europe des 25, c'est 500 millions d'habitants, soit environ la moitié de la population de la Chine ou d'Inde. C'est aussi presque deux fois les Etats-Unis. C'est donc un ensemble formidable qui se crée là car les pays européens sont déjà relativement bien organisés et leur potentiel de croissance est significatif, en particulier à l'est. Si nous arrivons à dépasser les discussions et les clivages stériles, à mettre de coté la fierté déplacée qui tourne souvent vite au chauvinisme, dans le but d'avancer tous ensemble vers un idéal commun, sans pour celà renier les spécificité de chaque nation, voire de chaque région, alors c'est un immense espoir qui s'ouvre à nous tous.

Cet espoir c'est celui :

La tâche est rude ! Les ornières ne manquent pas sur le chemin qui va mener à une Europe unie et efficace. On a même eu l'impression à plusieurs reprises récemment d'une certaine régression de l'idée européenne.

Mais ces obstacles sont (à mon avis) liés à un point clé qui est la peur de construire et d'aller de l'avant. L'être humain est toujours tiraillé entre son envie de faire du sur-place et celle d'avancer. Il en va ainsi certainement avec la construction européenne. On reprochera à l'Europe d'être à l'origine de certains meaux, cible facile, dont le budget (commission européenne) n'est pourtant que de 1/4 celui du Pentagone (centre de commandement de la défense américaine) !

Dans le domaine des freins à cette construction, il en existe un autre, de taille également, c'est celui de la langue. Il est évidemment plus facile de construire un ensemble cohérent de 500 millions d'habitants avec une seule langue, qu'avec plus d'une vingtaine. Et à moins d'instituer l'esperanto ou le latin comme langue commune, en plus des langues de chaque nation constituante, ce qui serait une douce et belle utopie, il existe là un réel problème. Il sera sans doute dans ce domaine, nécessaire de faire preuve d'un peu de pragmatisme dans la durée. A moins qu'un miracle se produise en informatique et que la traduction en temps réel devienne une réalité (ce qui n'arrivera sans doute pas avant très longtemps), il va falloir que tous les petits européens aprennent une langue commune (en plus de leur langue maternelle), et ce sera l'anglais.

Pourquoi l'Anglais ? Parceque c'est déjà un standard de fait dans le monde (à moins de se mettre au Chinois ou l'Hindi). Par expérience dans le monde réel, un Allemand et un Français parlant un peu la langue de l'autre finiront la plupart du temps par retomber sur l'Anglais car globalement ils maîtrisent mieux cette langue. Il va falloir se faire violence car dans ce domaine les français accusent un retard peu enviable, et pourtant totalement injustifié puisque l'apprentissage de l'anglais fait l'objet d'au moins 7 années d'études - de la sixième jusqu'au bac - pour une majorité de français.

Notons qu'apprendre une deuxième langue, même en la maîtrisant bien, n'est absolument pas un problème, et encore moins une menace pour la langue maternelle ou la culture locale : les habitants des pays nordiques parlent souvent courramment l'anglais, et ils ne renoncent pourtant en rien à leur propre identité, ni à leur langue.

Outre vaincre la peur et réduire le problème de la langue commune, d'autres facteurs de réussite du projet de construction européenne en vrac :

La construction Européenne, en laquelle je crois fermement, devra aussi dépasser la simple coopération entre (certains de) ses pays membres, sur des compétences précises, comme le souhaiteraient certains politiciens comme un certain président du conseil général de Vendée. Cette vision de l'Europe, rétrécie à une coopération ponctuelle inter-nations, est une artefact destinée à essayer de rallier les pro-européens aux courants euro-sceptiques. Cette vision est à combattre de toutes forces.

L'idéal de l'Europe fédérale est actuellement sans doute une idée trop utopiste et qui génère trop de passions pour qu'elle puisse être envisagée sérieusement, bien qu'elle demeurre sans doute à terme un idéal ultime auquel j'adhère évidemment, car c'est sans aucun doute sous cette forme que les aspirations européennes seraient les plus abouties.

Ainsi, la voie actuelle, qui transfère régulièrement de nouvelles compétences à l'échelle européenne est sans doute le meilleur compromis. Mais il faut militer pour que se renforcent les super-structures qui chapautent les différentes nations (parlement européen, commission) afin qu'elles gagnent en autonomie et en capacité d'action. J'espère qu'un jour on verra également apparaître une nouvelle catégorie de politiciens qui penseront massivement que l'avenir se joue au parlement européen, plus au parlement national. Pour l'instant ce n'est le cas que pour une poignée des plus euro-convaincus. Et malheureusement, en terme de carrière politique ça a encore du sens de penser "carrière nationale", même si certains politiciens commencent à sortir du lot par la voie de l'Europe. Jacques Delors aurait sans doute pu être élu Président de la République en 1995 à sa sortie de la présidence de la commission européenne. On voit que Romano Prodi semble avoir un poids suffisament important pour menancer Berlusconi en Italie aux prochaines présidentielles. Entendrait-on souvent parler de Dany Cohn-Bandit sans son action au niveau européen ?

Il y aurait encore beaucoup à dire sur l'Europe, sa construction et ses idéaux. Actuellement, de grandes avancées sont faites et la construction européenne est à un tournant. Je suis confiant à terme, même si l'adoption du traité de Constitution européenne (qui de l'avis de tous les experts est une avancée à tous les niveaux sur les mécanismes en place actuellement) n'est pas acquise, le débat étant souvent parasité par des questions de politique intérieure.

Concernant l'entrée de la Turquie dans l'Europe, le débat est passionnel en France et j'ai un avis très tranché là-dessus : ce serait stupide et humiliant pour la Turquie de les empécher de rentrer en Europe, et la France et l'Europe ont tout à perdre à jouer ce jeu là. Le débat "est-ce que la Turquie fait partie de l'Europe ?" est d'une stupidité rarement entendue à mon avis. C'est de la démagogie nullissime, un simple prétexte conditionné à la source par un reflexe de peur. Pense t-on sérieusement que la Turquie va vouloir et pouvoir importer un modèle de société "Islamisan" ou oriental en Europe ? Franchement. Si la Turquie peut nous apporter, en Europe, des éléments positifs de sa culture, et bien qu'elle le fasse ! c'est le brassage des cultures qui crée des idées fortes, des mouvements de fond. Et ceci, la Turquie n'aurait de toute manière pas besoin d'entrer dans l'Europe pour le faire si cela devait se faire. Et je ne parle même pas des questions d'appartenance à un même héritage religieux qui sont parfois évoquées pour justifier un éventuel refus de l'adhésion turque : 1) c'est un terrain extrêmement glissant 2) si vous avez assisté à des offices (Chrétiens) en Angleterre ou en Allemagne, vous verrez que ce n'est pas exactement non plus le même héritage religieux qu'une messe catholique en France.

La problématique est donc hyper-simple : soit la Turquie entre en Europe, et c'est une grande victoire pour l'idée européenne, la preuve que son modèle est attractif, influent, qu'on peut l'exporter. Je suis totalement pour qu'on puisse faire entrer en Europe tous les pays qui adhérent à nos aspirations et qui veulent s'organiser de la même façon que nous, dans la mesure où tous les critères d'adhésion sont respectés. Ca aide précisemment l'Union dans ses objectfs et ne fait que la renforcer. Si la Turquie n'entre pas, et bien nous allons avoir là une puissance fortement développée, aux portes de l'Europe, une puissance vexée qui ne va pas nous aider, mais alors franchement pas, un pays qui pourra se radicaliser, avec des conséquences extrêmement lourdes pour nous autres Européens.

A la lecture de ceci, certains ne manqueront pas de se demander (et de me demander, comme ça arrive) où mes opinions se placent sur l'échelle politique traditionnelle gauche-droite. Et bien je me pose aussi souvent la question. Plutot porté il est vrai vers la gauche, certaines idées de gauches me déplaisent parfois quand elles me semblent manifestement à coté de la plaque, et de l'autre coté je suis parfois d'accord avec certaines idées catégorisées à droite droite, notamment en matière économique et quand elles sont modérées. Je pense aussi qu'il y a beaucoup d'idées intéressantes chez les verts, et dans les mouvements dits "alternatifs", même si pour ces derniers leur peur viscérale de la mondialisation et leur opposition assez fréquente à l'idée de la construction européenne, sont franchement agaçantes à la longue. J'ai aussi tendance à penser que les choses avancent souvent danvantage grâce à des hommes et des femmes de bonne volonté qu'à des partis politiques. En général je me reconnais dans les idées de Michel Rocard et Dominique Strauss-Khan, deux fervents pro-européens.

Pour résumer, j'aime bien le paysan bourru du coin, j'aime bien aussi l'écolo idéaliste, je me sens proche du militant qui prône une plus grande justice sociale, j'ai beaucoup de respect pour les serviteurs de l'Etat, mais aussi pour l'entrepreneur qui va faire le choix de licencier 10 personnes pour éviter que sa boite coule avec les 50 autres. Par contre, en général, je n'aime pas les extrêmistes, qu'ils soient de gauche ou de droite, j'ai du mal avec les souverainistes, les démagos, et en général avec tous ceux qui véhiculent la peur et exploitent les populations mal informées. Je ne suis pas très fier non plus ni pour les marchants d'arme, ni pour ceux qui s'enrichissent pas des mécanismes financiers sans créer la moindre valeur. Enfin, je pense que l'organisation du travail selon le mode employeur-salarié est en échec, qu'il ne permettra jamais un bon épanouissement personnel et qu'il gâche les énergies, qu'il faut lui trouver des alternatives. Mais ceci est un autre débat.

Si vous voulez discuter avec moi, écrivez-moi à : gael arobace indidea point org. Un de ces quatres je traduirai aussi cette page en Anglais pour ne pas restreindre sa diffusion aux francophones, mais si vous pensez que ce contenu est intéresant et qu'il vous plait, et que vous voulez le traduire (tout ou partie) dans une langue européenne, alors faites-moi signe !

Quelques liens sur l'Europe :